Départ en fin de nuit de Miami. L'avion décolle à 9h
25.Trois heures plus tard, le vol 0831 d'American Airlines se pose à Ciudad
Panama. À la sortie de l'aérogare, M. Wever est bien présent, son panneau en
main, sur lequel on peut lire le nom de Jacques. Il nous conduit sains et saufs à
l'hostal Uracca, sur la Calle 44, en plein centre ville, à deux pas du Parque
Uracca. Blotti entre deux tours immobilières modernes et
blanches, le petit hôtel orange d'un étage avec sous sol se fait tout humble.
Une tache de couleur,appétissante et accueillante. La tenancière , tout sourire, nous enregistre et nous donne deux porte clés en bois de dix pouces de long par
deux de large. De vraies bouées. Ce sera 10$ d'amende si nous les perdons. Tout
cela en espagnol. Seuls les clients parlent anglais ici.
Nos chambres sont petites mais coquettes. Nous
sommes dans une espèce de pension où chacun peut faire sa bouffe et entreposer
ses provisions dans les deux frigos communautaires. La majorité des pensionnaires a moins de trente ans. À voir la clientèle, on pourrait se croire dans une auberge
de jeunesse. Le soir, tout ce beau monde regarde la télé ou son écran de portable
dans la salle commune ou tout simplement lit ou jase en groupe sur la terrasse
extérieure. Le matin, ils peuvent s'y faire cuire des rôties, s'y servir un café
ou une tisane, boire un jus. C'est la maison qui l'offre. En après midi, des
fauteuils et des hamacs ne demandent pas mieux que de leur y offrir une sieste
pour traverser la canicule.
Notre deuxième journée se passe dans le Viejo
Casco, soit le vieux Ciudad Panama. On se croirait dans une ville récemment
bombardée et en reconstruction. Les vieux édifices y sont en lambeaux. L'effort de
remise à neuf du vieux quartier est titanesque. Il reste tellement à faire que
trop d'édifices historiques sont fermés. Les rues sont pleines de trous et de
machinerie. Malgré cette déconvenue, notre visite nous permet d'imaginer combien ce quartier sera agréable à voir et à
marcher dans quelques années. Nous terminons notre journée en traînant nos
savates et en léchant les vitrines de la rue piétonnière Avenida Central du
quartier Santa Ana. Belle occasion pour y scruter, mine de rien, la variété
ethnique typique à cette capitale.
Il semble toujours faire beau et surtout chaud à
Ciudad Panama. Nous prenons tout notre temps pour déjeuner, faire des provisions,
prendre un bain de foule dans une cafétéria du Mercado Central, aller poser des
questions au sujet de notre éventuelle location d'automobile chez Avis, préciser
notreprogramme d'activités pour les prochains jours dans
la région immédiate. Nous ne voyons pas le temps passer.
Déjà nous avons soupé. La brise nous rafraichit sous
la pergola, Un groupe de ''back packers'' s'entretient avec le patron au
comptoir. Ils ne s'entendent pas. Les jeunes repartent se chercher un lit
ailleurs. Un portable traîne sur une table. Il en sort une musique rythmée qui n'a
rien d'espagnol. On pourrait être dans un bar de Boston ou San Francisco. Belle ambiance d'une soirée d'été, en plein
''hiver'' de janvier. La température moyenne au Panama est de 27degrés
centigrades à l'année longue.
Vendredi bien rempli aujourd'hui. Cinq taxis, deux
autobus, un autocar, un train. Les deux derniers pour traverser du Pacifique à
l'Atlantique et vice versa. Seulement 80 kilomètres d'une mer à l'autre, soit la
longueur du canal de Panama, c'est-à-dire la distance entre les deux villes les
plus populeuses du Panama, Ciudad Panama et Colon.
Deux façons de bien mesurer la grandeur et la
beauté du canal. D'abord, sur une plateforme entre deux trains de la Panama Canal
Railway Company. En effet , la voie ferrée longe une majeure partie
du bras d'eau, ce qui permet aux passagers de le suivre sans devoir
y naviguer. Puis, sur un belvédère vitré, nous pouvons nous offrir le loisir
d'assister à la lente remontée des navires, sur une hauteur de 90 pieds,de la
mer des Caraïbes jusqu'au grand lac réservoir Gatún. La dimension des écluses est
impressionnante de même que la rapidité des pompes à hisser ces bateaux
mastodontes dans les trois bassins ascenseurs qui se succèdent. Toute cette
infrastructure qui date de 1914 nous en met plein les yeux.
Colon a une très mauvaise réputation. Tous les
guides de voyage recommandent de s'y aventurer le moins possible à pied, sauf
dans la Zone Franche de même qu'à certains endroits précis plus touristiques et
surveillés. C'est donc en taxi que nous y circulons. Ceci pour constater combien pauvre et délabrée est cette ville. Les maisons sont
sales, décrépies et à l'abandon. Les rues sont cahoteuses et trouées de nids
''d'autruches''. Les gens sourient peu, sauf exceptions, si on les
aborde.
Entre Colon et l'écluse de Gatun, notre randonnée
en autobus local brinquebalant nous offre un bon moment. Surtout au retour, dans
un véhicule bondé, duquel les passagers debout à l'avant doivent sortir pour
faire place à quiconque est arrivé à destination. Sur un mur intérieur, on peut
lire ''Decorado por Carlos 2006''. Eh bien ce Carlos en avait certes fumé du bon
lorsqu'il réalisa ce graffiti excentrique. Un colosse se tient debout dans
l'entrebâillement de la porte ouverte. Il est le garant des clients confinés dans
l'escalier, puisqu'il leur tient lieu de barrière
les empêchant d'être éjectés dans la rue à chaque soubresaut. C'est aussi lui qui
reçoit le paiement des passagers lorsque ceux ci évacuent le véhicule.
Il fait très chaud en ce samedi et nous sommes déjà
en début d'après midi quand nous décidons de quitter l'hôtel. Nous débutons par
un dîner copieux à La Rosa Del Vientos. Puis,une visite au musée du Canal
s'avère un choix judicieux pour quiconque
recherche un milieu climatisé. Tout est en espagnol. Il nous est difficile de
profiter au maximum de la quantité énorme d'informations mises à notre
disposition. Nous regardons surtout les photos et les films qui sont très
éloquents sur l'immensité et la complexité du
projet d'ingénierie. Nous sommes en mesure de constater que la machinerie
utilisée au début du 20 ème siècle pour ce genre d'entreprise de génie civil était déjà très productive. De plus,
l'exposition du musée nous trace un tableau historique des nombreuses démarches
politiques, ponctuées d'évènements sanglants, qui
ont mené à la cession du canal aux panaméens par les étatsuniens en
1999.
Par bonheur, il nous est possible de louer des
écouteurs pour la visite commentée en français de l'exposition Gauguin tout à
côté. Nous y apprenons des faits nouveaux sur la vie et l’œuvre de ce peintre
français auquel nous avions déjà été initiés au Musée des Beaux-Arts du
Québec. Notamment qu'il a vécu quelques semaines à Colon au Panama et qu'il y a
alors travaillé pour la compagnie française de construction du
canal.
De retour dans la chaleur des rues de Casco Viego,
nous sommes à même de constater la qualité architecturale de tout ce quartier
ancien qui a été laissé à l'abandon pendant des décennies. Ce coin du Panama sera
un bijou à voir lorsque seront terminés les travaux de rénovation et
reconstitution. Les filles deviennent vite en
nage sous le soleil de plomb. D'urgence, elles doivent s'offrir un
rafraichissement. Elles hésitent entre une '' SLUSH '' ou une glace. Finalement
elles s'offrent un cornet de sorbet qu'elles arrivent à peine à lécher à temps
tellement il fond vite. Le retour à l'hôtel se fait à pied via la
promenade qui longe la Baie de Panama.Agréable randonnée à pied à travers le
port et le marché des pêcheurs. Un salut en passant à l'imposante statue de Vasco
Nunez de Balboa. Il fut le premier espagnol à traverser l'isthme jusqu'au
Pacifique. Il a donné son nom à la devise du Panama. Un Balboa vaut un dollar
américain. Nous traversons avec peine la voie urbaine rapide et achalandée à
laquelle il a aussi donné son patronyme. Quelques pas dans les ruelles trouées et
sans nom et nous voilà arrivés à l'hôtel Urraca.
Dimanche est le jour du repos. C'est ce que nous
faisons. Toute la journée, nous sommes assis en plein air au second étage d'un
autobus dédié à un tour de ville pour touristes. L'autobus répète une tournée en
boucle. Nous pouvons en descendre en certains points prédéterminés, visiter les
environs, puis y remonter à nouveau. Nous avions déjà passablement visité le
centre ville. Cette randonnée nous permet de mieux connaître l'agglomération
plus large de Ciudad Panama. Par exemple, nous avons maintenant une bonne idée
de l'allure que pouvait avoir le quartier occupé par les administrateurs et les
employés étatsuniens avant la cession du Canal en 1999. Une reproduction d'une
petite ville de Floride. Nous choisissons de dîner dans un restaurant
italien , sur l'ile de Flamenco, à la toute extrémité du Calzado ( '' Causeway''
) de Amador. Cette chaussée qui unit quatre iles au continent fut aménagée par
les étatsuniens lors de la construction du canal. Il fallait bien trouver un
endroit pour déposer les agrégats extirpés du chenal. Il en est résulté une
presqu'ile artificielle de six kilomètres de long. Celle ci permet une avancée
dans la Mer du Sud ( devenue Océan Pacifique ). Confortablement installés , nous
optons pour la définition suivante du mot ''bonheur'' : ''prendre un bon repas sur l'île de Flamenco, avec comme panorama la
vieille et la nouvelle Ciudad Panama au nord de même que les nombreux bateaux en
file au sud, qui sortent du Canal ou qui attendent leur tour pour y
transiter '' . Tout y est beau et invitant. De superbes marinas, une mer
turquoise, des dizaines de gratte-ciel en ligne qui rappellent le profil de Hong
Kong.
Certaines de ces hautes tours à logements sont
occupées par de riches étatsuniens et canadiens venus se réfugier à la chaleur
du Panama. Et il s'en construit encore. Nous en avons vu cinq en cours de
construction. Étonnant pour une agglomération de seulement 1,2 millions
d'habitants. On peut douter que ces bâtiments luxueux et
impressionnants appartiennent tous à des panaméens. Ils sont plutôt
vraisemblablement le fait du commerce international généré par le Canal, avec
toutes les activités de distribution, de courtage, d'assurance, d'import export
et de financement qui gravitent autour. Certaines mauvaises langues parlent même
de blanchiment d'argent. Il faut se rappeler que Panama est la deuxième plus
importante zone franche au monde ( soit après Hong Kong) .
Tout cela pour dire que Panama connaît certes lui
aussi son lot de corruption, d'écarts entre
riches et pauvres et de pauvreté tout court. Toutefois, sans pouvoir la
quantifier, une part des richesses emmenées par toute cette fébrilité économique
profite aux panaméens, du moins si on se fie à la très grande importance des
travaux publics constatés partout dans la capitale. Bien que pour attirer les
capitaux étrangers le gouvernement accorde d'importants congés fiscaux, il semble tout de même
en résulter quelque part certaines retombées pour la population locale.Dans
quelle proportion, nous l'ignorons.Possiblement peu en termes relatifs, compte
tenu de l'importance titanesque des sommes en cause. Tout de même beaucoup en
termes absolus. En témoigne notamment le fait que l'éducation primaire et
secondaire est gratuite au pays, incluant les fournitures
scolaires.L'école y est obligatoire jusqu'à la neuvième année. Le taux
d'alphabétisation y est de 90 pour cent.
Nous voilà rendus à lundi, la dernière journée de
notre séjour d'une semaine à Ciudad Panama. Demain mardi, en route pour El
Valle dans la province de Coclé. Pour clore notre séjour dans la capitale, nous
décidons de visiter el Parque Metropolitan. Quatre kilomètres de marche dans
quatre sentiers qui équivalent à un cours de forêt tropicale sèche et de forêt tropicale humide 101. Des arbres
immenses que quatre hommes auraient peine à entourer. De beaux papillons dont un superbe aux
ailes bleues. Une fourmilière géante dont les habitants par milliers nous font
une longue parade sur des centaines de pieds. De longues et grosses
lianes qui pendent de partout et que Tarzan aurait certes appréciées.Deux basto
gato de la grosseur et de la couleur d'un lièvre . Des oiseaux du paradis, des
diffenbachias et d'autres plantes exotiques, qui poussent ici naturellement
alors qu'au Québec elles décorent nos salons. Un des sentiers mène au sommet d'une colline. De
là, nous bénéficions sur 360 degrés d'une vue panoramique sur la ville, sur le
Parque National Camino de Cruces, sur la Calzado de Amador et son ile Flamenco,
sur le Mont Ancon, sur l'écluse Miraflores, la Ciudad del Saber et l'ancien
quartier Clayton des étatsuniens qui
travaillaient au Canal avant 2000. Bref, si nous avions grimpé ce promontoire à
notre arrivée dans la capitale, nous aurions vu défiler la carte de la cité sous
nos pas.
À demain donc à El Valle de Anton.
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La hostal Urraca, callé 44, Ciudad de Panama
Une des maisons délabrées du Casco Viejo
Vont elles perdre leurs boules !!!!!
Un fabricant itinérant de ''SLUSH''
Les pêcheurs sont revenus au port
Vasco Nunez de Balboa, découvreur de la mer du Sud (Pacifique)