Déjà une semaine que nous avons
quitté Ciudad Panama.
Aujourd'hui nous parcourons trois
cents kilomètres entre Pedasi , au sud est de la province de Los Santos, et le
petit bourg de Santa Fe, au centre nord de la province du Veraguas. Le Panama
n'ayant pas une telle distance du Pacifique à l'Atlantique, il va sans dire que
nous consacrons une partie de notre journée à mieux connaître le Los Santos,
dans sa partie montagneuse continentale et moins habitée. Beaucoup de collines,
le plus souvent sèches et sans arbres. Des routes sinueuses et sans cesse en
réparation, ce qui nous ralentit énormément. Quelques petites villes ou villages
peu populeux, portant de jolis noms comme El Cacao, Macaracas et Llano Largo.
Santa Fe est le dernier village
au bout d'une route qui s'éteint dans la Cordillère des Andes. Plus loin, il
faut avoir un véhicule tout terrain. Contrairement à El Valle qui était un
plateau entouré de montagnes, Santa Fe est à cheval sur des crêtes de massifs
escarpés. Pas de repos possible, on y monte ou on en descend. Il est facile de
s'y égarer, car les routes y vont dans tous les sens et en changent sans arrêt.
Pour nous orienter, il nous faudra apprendre à y reconnaître le profil des
sommets... si les nuages souvent présents nous en laissent le loisir.
C'est à Santa Fe que se situe la
ligne de partage des eaux. Certaines rivières y coulent vers le Pacifique, d'autres
vers la mer des Caraïbes. Il n'est d'ailleurs pas impossible que certaines
coulent des deux côtés à la fois, à la manière par exemple de l' Harricana qui,
à la hauteur du pont d'Amos en Abitibi, peut être le point de départ en canot
tout autant vers le fleuve Saint-Laurent que vers la baie James. Et des
rivières il y en a beaucoup à Santa Fe. Elles coulent d'une eau abondante et
limpide. Rien de comparable à celles à moitié desséchées de la province de Los
Santos. Dans les circonstances, on devine aisément ce que nous dirait sur la
question l'homme qui plantait des arbres.
Qui dit rivières dit
nécessairement cascades. Nous en avons vu deux aujourd'hui. La Janita et la
première des trois chutes Alto de Piedras. Cette dernière fait penser en plus
petit au sault de la Dame Blanche. Soit celui qui dévale le cap à l'ouest de la
chute Montmorency. À la différence que pour se rendre à l'Alto de Piedras, il
faut marcher un bon vingt minutes dans une jungle tropicale humide.
Le Parc national de Santa Fe est à
la frontière ouest de la province de Veraguas. Y vivent des représentants des
tribus des Ngöbes et des Buglés. Nous y avons traversé un de leurs villages de
maisonnettes en bois et en chaume, souvent sur pilotis. Ces autochtones vivent
en autosubsistance. C'est-à-dire qu'ils ne commercialisent pas le maïs, les
légumes, les fruits qu'ils font pousser. Pas plus que la viande des vaches et
des volailles qu'ils élèvent. À Santa Fe, leurs enfants vont à l'école
publique. Plus profondément en brousse, ce sont les professeurs qui se
déplacent vers ceux ci.
Hier mercredi, nous avons visité
la montagne des amérindiens dans la partie ouest de la région appelée La Muela
et Alto de Piedra. Aujourd'hui jeudi, ce sont les 180 degrés du nord ouest au
sud est de la couronne de Santa Fe que nous explorons, soit entre Bermejo et El
Pantano. À l'occasion, nous croisons une ''chivas'' qui fait la navette entre
les banlieues et le centre du village. Il s'agit le plus souvent d'une
camionnette dans la boite de laquelle montent les
passagers, protégés par une bâche de toile soutenue par des arceaux. Ce mode de
transport rappelle le temps où le fermier , monsieur Dion, venait nous chercher
à l'aurore à Beauport, pour nous amener cueillir ses fraises à Saint-François
de l'Ile d'Orléans. Nous étions près d'une dizaine de jeunes adolescents ,
assis dans la boite ou debout sur le pare choc arrière , contents de cette
ballade cahoteuse qui nous était offerte. La campagne de Santa Fe est une
succession de descentes à pic et de remontées escarpées, de ponceaux qui
traversent ruisseaux et rivières, de forêts où se mêlent jungle et orangers.
En soirée, c'est la Foire
Agricole, Touristique, Folklorique et Artisanale qui nous intéresse. Cette fête
annuelle commence à 19 heures et elle durera jusqu'à dimanche en fin de
journée. Pour se représenter cet évènement, on peut faire l'analogie avec ce
qui est communément appelé ''l'Exposition de Québec'', qui a lieu annuellement
à la fin d'août au parc d'Expositions et de Foires près du Colisée de Québec.
En font partie les nombreux restaurants improvisés et les kiosques où on vous
offre un ''toutou'', si vous faites tomber successivement trois bouteilles avec
une balle que vous lancez. Vous pouvez y acheter de tout, à partir du véritable
artisanat local jusqu'aux casquettes Adidas ou aux chapelets fluorescents.
Les animaux et produits de la
ferme y sont aussi mis en montre, avec les programmes d'aide et de conseil aux
agriculteurs. En soirée, un beau feu d'artifice vient clore gaiement cette première
journée de célébration.
Nous voici rendus au vendredi et
nous avons des fourmis dans les jambes. Le Cerro (montagne) Tutte paraît tout
indiqué pour y remédier. Soixante quinze minutes de montée à pied sous un vent
qui veut emporter nos ''calottes'' et qui nous soulève parfois presque de
terre. Nous stoppons quand la route de gravier cesse de grimper. La vue est
magnifique. Quoique plus arides que celles plus au nord en face de notre
chambre d'hôtel, les montagnes devant nous demeurent en général vertes, avec de
trop rares taches de grands pins ici et là. Avis à celles et ceux qui aiment la
randonnée pédestre et les vues panoramiques. Santa Fe de Panama ne les décevra
pas.
Après l'effort,nous affirmons
péremptoirement que nous avons droit aux loisirs. Nous voici donc à la foire, à
la recherche de distractions légères. Bien qu'une grande roue et beaucoup
d'autres jeux forains se soient ajoutés depuis hier, nous optons plutôt pour le
folklore. Un spectacle de danse débute justement sous une grande ''palapa''
(aire ouverte et sans murs, abritée par une seule toiture, dans ce cas ci de
béton et d'acier)
. Tout sourire, les très jeunes
filles arborent de superbes ''polleras'' (jupes amples, longues, plissées et
brodées). Leurs cavaliers portent une chemise blanche, longue et sans col, qui
déborde sur des pantalons foncés. Tous tiennent haut leur chapeau de paille à
la palette avant retroussée, celui ci passant fréquemment de la main au chef et
réciproquement, selon les exigences de la chorégraphie. Escarpins colorés pour
ces dames, sandales ou souliers légers pour ces messieurs. Les pas esquissés
par les garçons s'inspirent souvent des danses espagnoles où on tape fort du
talon, en saccades qui donnent le rythme. Les filles soulèvent les deux bords
de leur jupe en éventail et elles accompagnent gracieusement les gestes de leur
compagnon de la soirée. Un couple de danseurs imite habilement la sempiternelle
quête des faveurs de la dame par un prétendant. Les troupes se succèdent, avec
d'autres ''polleras'' et d'autres duos qui rivalisent en couleurs et en
habileté.
Après la danse, c'est au tour de
la musique. Sous une autre ''palapa'' de métal qui abrite les stalles des
maraîchers du ''mercado'' (marché) aux légumes et aux fruits, un quintet de
joyeux lurons jouent de l'accordéon, du tambour et du tamtam, accompagnés par
un habile joueur de ''courge à fourchette''. Son instrument a la forme d'une
courge oblongue, dont la surface dure et rugueuse permet d'émettre un son de ''
tchiquetchique'' rythmé lorsqu'on le frotte en va et vient avec les pointes
d'une fourchette. Un des rares auditeurs rassemblés leur offre à tour de rôle
une bouteille dans laquelle nous devinons de la gnole à fort pourcentage d'alcool.
Nos lascars exubérants jouent pour le plaisir, cela se voit. Ils s'amusent
ferme et ne ménagent pas leur talent pour nous en mettre plein les oreilles.
Nous nous appuyons donc sur le comptoir en bambou du marchand silencieux et
imperturbable et nous assistons avec un grand sourire aux ébats musicaux de nos
artistes inspirés. Ils sont à deux pas de nous , ce qui nous permet d'apprécier
de près leur dextérité et leur charisme. Ils saluent nos applaudissements et
nos bravos. Nous les sentons fatigués, mais leurs pauses ne durent que quelques
secondes tellement ils ont hâte de reprendre leur concert qu'ils savent
apprécié.
Au retour à l'hôtel, une pluie
abondante se met à tomber. La première vraie ondée depuis notre arrivée au
Panama. Vents et averses continueront toute la nuit. Au petit matin, le vent du
nord nous apportera nuages gris et crachin. Au moins nous n'aurons pas chaud.
Thérèse semble s'ennuyer de se plaindre du froid...
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Cabanas des Knobe-Bugle
Cabanas des Knobe-Bugle
Coffee Mountain Inn à Santa Fé
Vue des montagnes de notre hôtel
Un groupe de danseuses lors de la Féria de Santa Fé
Les ainés eux aussi dansent
Les ainés ont leur costume traditonel
Un p'tit remontant pour les musiciens et les danseurs (ainés)
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