De l’Atlantique au
Pacifique, l’ "interstate" numéro 10
traverse les États-Unis entre
Jacksonville en Floride et Los Angeles en Californie. Quant à nous, nous décidons de ne pas aller au delà de New Orleans en Louisiane. Pour ce faire, nous sortons de la Floride,
traversons les villes de Mobile en Alabama de même que de Pascagoula, Biloxi et
Gulf Port au Mississippi, pour enfin aboutir sur le pont de plusieurs kilomètres
qui traverse la partie congrue de l’immense lac Pontchartrain, à l’entrée sud
est du pays des cajuns. Trajet
impressionnant à prime abord, mais qui pourtant ne représente que 330 kilomètres de chaussées impeccables. Les étatsuniens ont bien des défauts, mais
pour la construction de routes efficaces, avec une signalisation parfaite, ce
sont des as.
Tout cela pour dire que nous jugeons avoir le temps de
prendre notre temps. Nous quittons donc
l’autoroute et franchissons toute la
largeur de l’état du Mississippi le long de son littoral. Quelle bonne idée! Entre les casinos de Biloxi et la petite
municipalité de Bay Saint Louis, la route numéro 90 est une merveille. Sans discontinuer, vous avez la mer et des
kilomètres de plage blanche et accessible à votre gauche. Si vous tournez la tête à droite, de
superbes propriétés d’époque vous donnent le goût d’arrêter pour prendre une
photo. C’est le cas de le dire, vous ne
savez plus où donner de la tête… et des yeux.
Étrangement, plusieurs de ces grands domaines n’ont plus que leurs
majestueux chênes bicentenaires. De la
résidence, il ne reste rien, sinon des vestiges à peine visibles au sol. On a démoli et substitué chaque bâtiment par
une pancarte indiquant que le terrain est à vendre. Voilà qui explique qu’on remarque à tout
moment d’immenses constructions récentes et luxueuses, entourées de vieux
arbres bien établis. Dans ces cas là,
les maisons détruites ont été remplacées.
Autre constat inusité, toutes ces résidences neuves sont hissées sur des
colonnes d’une dizaine de pieds de haut, comme si elles étaient en zone
inondable. Peut être est ce là
l’explication que nous cherchons.
Katrina serait elle passé par là après avoir détruit New Orleans?
Une fois installés en Louisiane, au Bayou Segnette State
Park Campground de Westwego, au sud du
fleuve Mississippi, nous optons pour la formule "traversier". C’est-à-dire, que nous laissons notre
voiture sur le stationnement de l’embarcadère d’Algiers et de là nous n’avons
qu’à franchir le fleuve jusqu’au quai du
French Quarter, en plein centre ville de
New Orleans. Malheur sur nous, la brume
est à couper au couteau. Le bateau
passeur refuse de décoller. "Tant que
la visibilité restera mauvaise" nous affirme-t-on. À tout malheur une chose est bonne. Puisque nous sommes dans l’Old Algier,
voyons voir si elle mérite son surnom de "New Orleans best secret". Nous voilà donc en train d’arpenter les
rues. Les maisons tout en bois de la
fin du dix neuvième siècle sont plutôt modestes, mais leur architecture et les
enjolivures de leurs généreuses galeries
nous laissent ébahis. Notre ami Jean,
l’as des moulures, aurait là de quoi remplir pour vingt ans son panier d’idées
de dessins de toutes sortes. Quant à
elle, la Société d’art et d’histoire de Beauport aurait des dizaines d’exemples
du bien fondé de conserver authentiques les maisons et quartiers qui avaient
été bâtis avec goût et panache. Quelques
unes ont appartenu ou logé des musiciens de jazz ayant fait leur marque à New
Orleans et ailleurs.
Malheureusement, la plupart de ces jolies façades se sont vues affubler une rallonge par
l’arrière, ce qui les rend démesurément
longues par rapport à leur largeur.
Elles sont en conséquence aussi "infirmes" que les résidences
qualifiées d’historiques dans le vieux Pensacola. Le phénomène est généralisé. Il ne s’agit donc pas d’agrandissements par
l’arrière, ajoutés a posteriori de la construction originale, ainsi que nous
l’avions d’abord cru à Pensacola.
L’hypothèse la plus plausible pour expliquer cette caractéristique architecturale serait
plutôt la réglementation municipale. En
effet, il arrive que les impôts fonciers soient calculés aux pieds linéaires de
façade plutôt qu’aux pieds carrés de la propriété. Cette façon de faire incite les gens à
acheter des terrains étroits et profonds.
Tout le monde y gagne économiquement, puisque les municipalités ont
moins long de routes à construire et à entretenir et les contribuables paient
moins de taxes. Esthétiquement,
c’est une toute autre chose.
Fait à noter, les quelques personnes de race noire à qui
nous parlons à Algier nous répondent en français, spontanément, après sans
doute avoir reconnu notre accent. Les
rues du quartier historique ont pour nom : "Delaronde, Lavergne, Verret,
Seguin". Sur les pierres du cimetière,
aux tombes hors terre du fait du niveau élevé de la nappe phréatique, on lit
des patronymes tel Martin, Blanchard, Daigle, Beauregard, Robichaux, Lamothe,
Roussel, etc.
Aujourd’hui dimanche il fait beau. Nous traversons donc le Mississipi. La randonnée gratuite sur l’eau est courte,
puisque le grand fleuve est plus étroit
que le Saint- Laurent entre Québec et Lévis. La vue sur
New Orleans et son French Quarter est magnifique. Aussitôt au sol, nous nous dirigeons vers le "street car" (tramway) le plus proche et achetons deux billets quotidiens. Ainsi, pour trois dollars chacun, nous
pourrons voyager toute la journée sur le réseau de tramways et d’autobus de la
Regional Transit Authority (RTA).
Les cinq lignes de
tramway permettent de visiter le nord et l’ouest de la ville, de même que la
promenade qui longe le littoral, devant le French Quarter. Qu’à cela ne tienne, nous entreprenons de
faire le tour de la plupart des quatre circuits principaux. Que voilà un mini tour de ville à peu de frais. En fait, nous y passons plus de trois heures, le cou étiré, à regarder
par la fenêtre, des deux côtés du véhicule.
Avec la carte de la ville et des trajets des "street cars" que nous a
remis un des chauffeurs, nous pouvons suivre en les identifiant les itinéraires
parcourus et nous familiariser avec les grands axes du cœur de la cité. New Orleans est belle et pittoresque. Au point où nous l’avons mise au premier
rang de nos coups de cœur, avant Saint Petersburg que nous avions tant
aimée. Pour nous dégourdir les jambes,
nous descendons une heure dans le Garden
Quarter. Il s’agit d’un arrondissement
huppé, où ont été conservées et entretenues de splendides habitations
construites au dix neuvième siècle. De
toute beauté, comme dirait madame chose.
Notre passion des résidences
coloniales en bois en a pris plein son saoul.
Encore une fois, le partage des photos à conserver ou à éliminer sera un
exercice cruel.
Lors de notre retour de New Orleans, ce lundi, même pénible
dilemme. Comment faire pour départager
celles des superbes photographies, du French Quarter cette fois, que nous
devons éliminer de notre cueillette d’images.
En effet, cette journée s’est résumée en une longue marche le long de
multiples avenues, demeurées le reflet préservé d’une époque antérieure.
Lorsque la Louisiane était une colonie française, sa
capitale Nouvelle Orléans était établie exactement là où se retrouvent aujourd’hui les rues Royal Street, Bourbon Street, Dauphine
Street, Chartres Street et bien d’autres qui ont gardé leur consonance
française. On ne se lasse pas de flâner
dans ces avenues qui ont conservé le cachet des trois cultures espagnole,
française et étatsunienne qui les ont façonnées depuis trois cents ans. On se laisse agréablement impressionner par
ces balcons étagés en fer forgé, par l’éclatante cathédrale Saint Louis qui dit-on
est l’église la plus photographiée aux États-Unis, par le Jackson Square entouré
d’édifices prestigieux, par la résidence
des Ursulines qui fut le premier
couvent de la Louisiane et qui demeure un des plus vieux bâtiments de la vallée
du Mississippi.
Aussi bien conservé
puisse-t-il être et malgré son passé
très riche en histoire, le French
Quarter demeure on ne peut plus
vivant. La Royal Street est devenue
celle notamment des antiquaires, des peintres
et des galeries de peintures.
Chartres Street est l’avenue des musées, des bâtiments historiques
prestigieux et de l’animé Jackson Square.
Quant à la Bourbon Street, où pullulent les restaurants, elle abrite
aussi les lupanars et les boutiques de sexe qui tous deux s’affichent sans retenue. Toutes ces rues ont en commun d’être
animées, sur le trottoir, sur le pavé ou dans les nombreux bistros, par des
orchestres, des musiciens et des danseurs.
On y entend des musiques variées, mais bien sûr le jazz occupe une place
de choix. Ne dit on pas de New Orleans
qu’elle est la cité où naquit le jazz.
Pour nous, elle fut aussi celle où nous avons découvert la soupe de
gombo aux fruits de mer de même que les "po boys".
Brrr ! Il fait froid
en ce mardi pourtant ensoleillé. Au lever, le thermomètre marque trois degrés
centigrades. Nous nous habillons
chaudement et repartons dans le French Quarter. Nous retournons au Jackson Square, dans un
des deux superbes immenses complexes immobiliers Pontalba, construits entre
1849 et 1851, par la riche veuve et baronne de Pontalba. En effet, on peut y visiter un logement
type, meublé et décoré comme au dix neuvième siècle. Dans les pièces à l’arrière du bâtiment, ce
sont les appartements des serviteurs et des esclaves qu’on nous présente. Dans la salle à dîner des maîtres, nous
avons la surprise de voir la réplique exacte d’une vieille chaise d’enfant que
nous possédons à la maison chez nous.
Une fois retournés à l’extérieur glacé, de l’autre côté de
la rue Decatur se profile le French Market. Nous y passons une bonne heure à
fureter dans les multiples boutiques.
Rien de particulier nous y retient, sinon Le Café du Port (en français). Il s’agit d’un immense restaurant, tout ce
qu’il y a d’ordinaire, avec des dizaines de tables collées les unes aux autres
d’une façon anarchique. Il est toujours
plein et les gens doivent le plus souvent faire la queue avant d’obtenir une
place. À l’intérieur, c’est un vrai feu
roulant. On n’y sert que deux
choses : des beignets sans trou dans une montagne de sucre en poudre et du
café, au lait de préférence. Par la fenêtre, nous avions vu la cadence
effrénée avec laquelle le cuisinier fabrique sa pâte, avant de lancer
littéralement dans la graisse bouillante les carrés de beignets non cuits,
taillés à la hâte. Maintenant, c’est en faisant
la file pour aller aux toilettes, qui sont dans la cuisine attenante au
restaurant, que nous pouvons apprécier la discipline démontrée par les serveurs,
dans la chaîne de montage à l’intérieur de laquelle ils exécutent leurs tâches
répétitives, sans avoir besoin de l’aide d’un chef d’orchestre. Chacun sait ce qu’il doit faire. Il le fait bien. Et les beignets sont excellents, en plus de
représenter un dessert apprécié, après avoir dîné au River’s Edge d’une "jambalaya"
épicée de même que d’un "crawfish étouffée".
Puis nous traversons le French Quarter en zigzaguant, du sud
au nord cette fois. Nous nous arrêtons à tout moment pour écouter les musiciens
de la rue qui jouent ici et là des pièces pour tous les goûts. De l’autre côté de la North Rampart Street,
nous quittons le French Quarter pour entrer dans le Louis Armstong Park. Nous flânons un bon moment au milieu des
canards et des monuments nombreux à l’intention de têtes d’affiche de
l’histoire du Jazz, du blues et du gospel.
Nous nous recueillons devant les statues de Dave Brubeck, de Mahalia
Jackson et bien sûr, du grand Sachmo, représenté avec sa trompette dans une
main et son éternel mouchoir dans l’autre.
Toute bonne chose doit avoir une fin. Il nous faut revenir au campement, tout comme il nous faudra
retourner au Québec dans deux jours.
Adieu New Orleans. Nous ne t’oublierons
pas.
En ce mercredi de préparatifs avant de quitter New Orleans,
il fait un degré centigrade au lever.
Le temps continue de se refroidir.
Hier c’était la pleine lune.
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