À partir de Volcan,
nous redescendons les montagnes de la
Cordillère vers le Pacifique. De là, nous
traversons les villes de Conception, David et Chiriqui vers l’est. Puis nous voilà repartis en direction de la
Cordillère de Talamanca, que nous franchissons en entier jusqu’à la mer des Caraïbes. Toujours les mêmes superbes montagnes nous
offrant des points de vue magnifiques.
En passant dans la Réserve Forestière de Fortuna, nous nous offrons un
pique nique près du barrage hydro électrique éponyme. Imposant comme la plupart des ouvrages du
même type, avec son réservoir d’eau calme en amont et son profond et imposant
canyon en aval. Après cinq heures de
route facile, nous entrons à Almirante, soit la ville portuaire de laquelle
nous prenons un bateau taxi pour les îles de l’archipel de la province de Bocas
Del Toro.
Dès notre arrivée à Almirante, nous sommes accostés par un
cycliste qui veut nous parler. Jacques
refuse d’arrêter la voiture, le contourne et pèse sur le ‘’champignon’’. Notre vélo interlocuteur ne s’en laisse pas
imposer pour si peu. Dans le
rétroviseur nous le voyons, tout petit, qui pédale à vive allure. Arrivés au port, il faut bien nous
arrêter. Le temps de nous questionner
sur la direction à prendre, voilà que le lascar à la bicyclette toque à notre fenêtre.
En anglais, il nous offre de le suivre jusqu’au quai des bateaux taxis. Une fois rendus, lui et un collègue cycliste
nous aident à charger notre bagage et ils indiquent en espagnol au capitaine
monolingue notre destination. Service
de courtage impeccable.
Le pilote et son moussaillon lèvent les amarres. Nous voilà en mer. Un arrêt pour acheter deux bidons
d’essence. Un signe de doigts qui se
frottent et nous comprenons qu’il nous faut payer. Nous versons les 40$ de la traversée qui
prendra trente cinq minutes.
L’Isla Bastimentos ressemble au "Cay" où nous avions
séjourné au Belize. À la différence
qu’ici les maisons en bois coloré du
littoral sont érigées sur des pilotis, avec leur porte arrière attenante au
rivage. Nous débarquons donc du bateau
directement dans les marches de l’hôtel.
Nous logerons au deuxième.
Chaque chambre y a un balcon, suspendu au dessus de l’eau, d’où nous
pouvons observer les va et viens du quartier maritime.
Sur l’île de Bastimentos, le
village appelé aussi "Old Bank" compte probablement moins de cinq cents
habitants.
Les deux rues de la ville
sont en fait des allées en ciment d’une largeur de cinq pieds environ.
La première longe le littoral sur moins d’un
kilomètre.
La seconde, perpendiculaire,
grimpe sur la colline.
Pas de véhicules
motorisés, que des bicyclettes et des sandales.
Le transport interurbain ne se pratique que
par chaloupe motorisée.
La plupart de
celles-ci sont en fibre de verre et totalisent une vingtaine de pieds de
long. Toutes sont propulsées par des
hors bord.
Quelques unes ont une
toiture légère pour protéger du soleil et de la pluie.
À l’accostage, elles sont hissées sur
des
passerelles en rondins écorcés
érigés à quelques pouces au dessus de l’eau.
Pour leur part, les touristes empruntent parfois un kayak d’océan pour
faire une ballade en mer.
L’eau est
assez
claire pour y admirer les coraux
sans avoir à plonger.
Quand on grimpe sur la colline,
la végétation y est luxuriante.
On y
trouve
une boutique restaurant tenue par
un jeune couple
à l’allure zen.
Ils fabriquent et vendent des huiles pour le
corps et des savons à base de cocos.
Ils possèdent aussi quelques centaines de cacaotiers, des fruits
desquels ils font fermenter en feuilles les graines, pour obtenir un excellent
chocolat cent pour cent naturel.
Pas
étonnant qu’ils offrent des "brownies" et des "truffles" à leur menu.
Des campeurs ont monté leur tente tout
autour de leur maison.
Les
propriétaires
ont dénommé celle-ci "On
The Top Of The Hill".
Ils sont fiers
d’afficher qu’ils sont construits à 330 mètres d’altitude, soit au sommet de la
montagne.
De leur résidence, sur l’autre versant, on
peut accéder à une plage en vingt cinq minutes.
Cependant, on nous met en garde d’y
aller sans portefeuille, ni papiers
importants, ni objets de valeur, car on y soulage parfois les touristes de leur
caméra, leurs jumelles et tout ce qui peut être revendu.Il faut donc s’y rendre avec seulement
quelques dollars en poche.
Coutume inusitée : de notre
balcon, nous venons de voir une main qui jette des déchets de table par la
fenêtre.
Le tout tombe dans les quatre
pouces d’eau qui jouxtent la maison.
Deux chiens en font leur délice de même que plus d’une quinzaine
d’urubus qui affluent rapidement.
Surprise, un pélican, des frégates et des sternes nous font la joie de
virevolter au dessus de notre balcon.
Eux aussi veulent leur part de la partie flottante du lunch offert.
Il fait très chaud à Old
Bank.
Les maisons
près du littoral sont tassées les unes sur les
autres.
Les gens ouvrent portes et
fenêtres pour faire circuler l’air.
L’école ne ré ouvrira ses portes qu’en mars prochain.
La rue est pleine d’enfants et
de flâneurs.
Les gens vivent autant dehors qu’à l’intérieur.
Ils sont souvent joviaux et
parfois de sympathiques bavards.
Tout cela pour illustrer combien peut être
bruyante et animée un si petit bourgade.
Tout le contraire du quartier de la colline derrière, qui lui est
tranquille et silencieux.
Cette "haute
ville"d’ailleurs est aussi beaucoup moins densément peuplée, et les
habitations y sont en général
plus
soignées.
C’est le coin où il reste des
terrains à vendre et à lotir.
Deux
prix, dépendant de l’emplacement, pour des parcelles de grandeurs variables,
mais dont la superficie médiane gravite autour de 6500 pieds carrés :
38,000$ et 49,000$.
Tout cela pour dire que
Bastimentos est un autre monde par rapport au reste du Panama.
Les gens y ont majoritairement le type
jamaïcain.
De loin par rapport au reste
du pays, même incluant la capitale, il est plus fréquent qu’on s’adresse à nous
en anglais.
La très grande majorité des
gens est bilingue (espagnol/anglais).
Depuis
notre arrivée sur l’isthme, tous les commerces affichent en évidence au mur
qu’une amende sera imposée à tout client qui ne réclamera pas sa facture.
Ici, rien de tout
cela.
Aucune affiche et aucune facture.
Pour une raison inconnue, Revenu Panama ferme les yeux.
En ce vendredi 15, Suzanne et
Jacques partent en bateau taxi pour l’Isla Colon, plus précisément dans la
petite ville de Bocas Del Toro.
Six
kilomètres entre les deux quais, à trois dollars par passager.
Pour sa part, Thérèse opte pour
la ‘’farniente’’ à l’hôtel, alors que Luc part seul pour une randonnée en kayak.
Rapidement le rivage est composé de
mangroves tissées serrées.
Tout
accostage serait difficile, sauf dans de rares trouées aménagées de main
d’homme.
De toute façon, pas besoin
d’aller à terre et pas envie de se baigner.
Seulement glisser sur l’eau turquoise mais translucide, contourner les
îles qui se profilent au fond de l’entonnoir, suivre des yeux un héron bleu et
le regarder se poser sur une branche vacillante, admirer les coraux des hauts
fonds.
La vraie vie quoi.
Un canot devant soi
qui soudain oblique vers le bord et disparaît
dans les taillis.
En surplomb dans la
montagne, une maisonnette isolée.
Il
rentrait chez lui.
Puis, sur la gauche,
un petit village de cinq maisons construites côte à côte au dessus de
l’eau.
Bâtiments et trottoirs sur
pilotis.
Approchent une île, trois
îles, une marina au fond de l’anse.
S’y
profilent une vingtaine de voiliers, de catamarans et de yachts de
millionnaires.
Le plus gros est bleu,
en acier, et il doit avoir une centaine de pieds de long.
Deux grosses chaloupes de sauvetage et un
yacht rapide sont arrimés sur le deuxième des trois ponts.
Le dit yacht rapide est affublé de deux
moteurs Mercurey de 300 forces chacun.
Je ne croyais pas qu’un hors bord puisse avoir autant de chevaux
vapeur.
Peut-on croire que nous soyons
en présence d’un hypothétique quelconque contracteur canadien;
ou d’un financier étatsunien retraité depuis
2008 aux Îles Caïmans?
En tout cas, le
nom du bateau est la "Compass Rose".
Cet abri pour bateaux de luxe est
à l’entrée sud de la Red Frog Beach.
Sans arrêt, y affluent des bateaux taxis en provenance de Bocas Del
Toro.
Ils y amènent de jolies femmes,
d’autres moins, avec des messieurs en bermudas et en sandales.
Tous et toutes ont le type nord américain ou
européen.
Un trottoir de bois traverse
un tunnel de mangroves jusqu’à l’entrée gardée du "Resort".
À la porte, des voitures électriques.
Au mur, une carte illustrant toutes les
routes du complexe et les services offerts : équitation, "snorkeling,
kayaking. Trekking, tours", hôtellerie, restauration, etc.
Sur le littoral nord de Bastimentos, la
belle "Red Frog Beach".
Un autre
monde, totalement différent et séparé de "Old Bank" où vivent les panaméens
de l’Isla et où nous logeons.
Quarante
cinq minutes de pagaie, le vent dans le dos, et me revoici à nouveau à l’humble
mais confortable Hostel Caribbean View.
Thérèse me salue du balcon au deuxième étage.
Suzanne et Jacques nous rejoignent plus tard
à la sortie du restaurant, contents de leur journée à Bocas.
Aujourd`hui samedi nous inversons
les rôles.
Suzanne et Jacques vont à "Red Frog Beach", Thérèse et Luc à Bocas Del Toro.
Lors de leur randonnée, nos deux amis
réalisent qu’il pourrait être
difficile d’accéder aux sentiers de la forêt
des environs du Parc National Marin d’Isla
Bastimentos
par la plage nord
du "Resort" de Red Frog Bay.
Mieux vaut y accéder via l’entrée sud du "Resort".
Nous irons donc demain regarder cela de
plus près et par la bonne porte.
Dotée d’un aéroport, Bocas est
une petite ville moderne de dix rues par dix avenues.
Méritent une visite ses trois artères commerciales,
dont les restaurants, hôtels et boutiques vivent essentiellement grâce aux "surfers", aux "beachers" et aux "snorkelers".
S’ajoutent parfois quelques curieux comme
nous qui viennent simplement pour voir.
Nous passons donc un avant midi agréable à y déjeuner et à y flâner,
en nous imprégnant la mémoire du cachet de
village de vacanciers de cette seule zone urbaine de l’Isla Colon.
Comme le tour de Bocas
est assez vite fait, nous prenons un bateau
taxi pour aller dîner sur l’Isla Carenero, au Bibi’s on the Beach Restaurant.
On y constate combien est particulièrement
frappant
le contraste entre, d’une part,
l’agitation et l’opulence et, d’autre part, le désoeuvrement et le manque de
ressources.
Deux mondes aux antipodes
se côtoient et ne se parlent pas.
Dans le premier cas, on parle de "beachers"
bronzés qui louent des "cabanas" luxueuses sur la plage et qui mangent des langoustes
arrosées de bière, dans une "palapa" suspendue au dessus
de la mer des Caraïbes.
Entre deux repas, ils se baignent dans les
vagues, y "surfent", font du kayac, de la plongée, se font griller et jouent
au ballon de plage.
Dans le second cas,
on fait allusion à des panaméens qui vivent dans des maisonnettes rudimentaires
de planches usagées et de tôles rouillées, attendant inactifs que la journée
passe.
Sous et autour de leurs abris
suspendus, de l’eau stagnante, des
détritus, des déchets de matériaux et de végétaux, des chaloupes
éventrées, de l’herbe haute, des tas de terre de remplissage.
Tout le contraire du confort, des conditions
d’hygiène minimale.
Qu’y faire?
À défaut de répondre à
cette question qui ne trouve pas de solution
depuis que le monde est monde, on peut en tout cas affirmer que nous avons vu
aujourd’hui un tableau éloquent de la problématique nord/sud.
En ce beau dimanche, nous avons
rencontré notre première grenouille rouge.
Devinez où.
À Red Frog Beach bien
sûr.
Il fallait s’y attendre.
Elle est minuscule.
De la grosseur d’une abeille.
Notre longue marche dans un
sentier bordant la plage nous a aussi réservé une belle surprise.
À plusieurs reprises, nous avons pu suivre
les ébats de singes capucins à tête blanche.
Tout petits eux aussi.
De la
grosseur d’un chat, mais avec de longues pattes.
Dans le
"resort" de Red Frog
Beach, on peut circuler sur des routes en
gravier.
Notre ballade nous
mène sur une de celles-ci, en flanc de
montagne, soit à cinq minutes à pied du bord de mer.
Notre surprise est
grande d’y compter une quinzaine de maisons
luxueuses, avec piscine, de construction récente et selon des normes nord américaines.
Nous aurions pu nous croire à Sillery ou à Outremont.
Des rideaux aux fenêtres, mais pas âme qui
vive.
Aucune pancarte indiquant "à
vendre" ou "à louer".
Sans doute
appartiennent-elles à des étrangers ou à des panaméens riches qui s’en sont
fait une résidence secondaire au soleil.
Nous voici déjà à la veille de
notre départ d’Old Bank.
Ce matin, Nous
optons pour un cours de "surf" 101.
Dès 8h30, Luc est
de l’autre côté
de la montagne, les deux pieds dans le sable de la Wizard Beach, renommée pour
la hauteur de ses vagues.
Ces dernières
sont au rendez vous.
Elles
impressionnent par leur gabarit et par leur vrombissement.
La plage est plutôt petite, soit d’environ
trois quarts de kilomètres de long.
Elle est totalement déserte et non aménagée.
Encore à l’état sauvage et disponible à
tous.
Quelques panneaux affichés aux
arbres : "private property, real
estate," et un numéro de téléphone.
Tout cela laisse croire que dans quelques temps des promoteurs
pourraient en faire un second
Red Frog
Beach.
Les "surfers" se pointent vers
dix heures.
Trois d’entre eux enterrent
dans le sable leurs effets personnels et les voilà à plat ventre sur leur
planche en train de ramer vers le large avec leurs mains.
Ils se laissent avaler par les monstres marins,
ou, tout simplement, ils leur montent dessus comme des bouchons de liège.
Les battements de mains ne cessent pas et
nos trois lurons avancent toujours, malgré l’acharnement des éléments à vouloir
les retourner au bord.
Les voilà rendus
à plus de mille pieds au large, là où la houle ondule plutôt que d’exploser.
Assis ou étendus sur leur planche, le dos tourné au littoral, le tronc
hors de l’eau, ils attendent le moment propice.
Il arrive parfois qu’une tonne d’écume leur
tombe dessus, mais ils réapparaissent à chaque fois, la tête tendue hors de
l’onde, prêts à bondir au moment opportun.
Lorsqu’ils estiment qu’une des vagues qui les soulève est sur le point
de se transformer en rouleau porteur, Ils se hissent sur leur engin et dévalent
obliquement la déferlante, en tentant d’éviter
qu’elle ne leur tombe dessus.
Pour ce faire, le truc semble être
éventuellement de remonter
juste
à temps sur le sommet
et de revenir
ainsi sur la face en amont
de la "bête".
De la sorte, pas de fracas
avec les quatre fers en l’air.
Ils
obtiennent plutôt ainsi un arrêt en douce, tournés vers le large, toujours
entre deux "ondulantes".
Après
une heure de ce manège épuisant, nos lascars
se laissent rouler jusqu’au rivage, et ils partent pieds nus avec leur planche
sous le bras.Ils auront à franchir la
montagne dans un sentier boueux et accidenté, mais leur sourire en dit
long.
Cela en valait la peine.
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