vendredi 1 mars 2013

AGUA DULCE, VERAGUAS, VENDREDI ET SAMEDI 22 ET 23 FÉVRIER 2013.



La route est courte entre Las Lajas et Aguadulce.   Nous arrivons donc tôt à l’Hotel Carisabel.   Une ballade au centre ville nous mène au Parque Central.   Une affiche gouvernementale y indique que cet espace publique profite à plus de 43 000 personnes.   Voilà un indice de l’ordre de grandeur de la population  de la région.   Trois beaux édifices d’inspiration coloniale espagnole : soit le Museo  Regional Sierra Stella, le Palacio Municipal et l’église construite en 1912.   Celle-ci, toute blanche, est très simple.   Elle répond au canon architectural propre aux temples catholiques d’Amérique Latine.  

Le lendemain, samedi, nous prenons la route vers les marais salants d’Aguadulce.   Leur nom l’indique, il s’agit de marres peu profondes  d’eau salée, exposées au vent et au soleil pour stimuler leur évaporation.   Occasionnellement, on les fait se vider par gravité dans d’autres étangs de plus en plus petits.   Si bien qu’à la fin du processus, de plus étroites piscines de la grandeur  d’un "spa" sont pleines de saumure.    Après une dernière séance sous la chaleur, il ne reste que des cristaux blancs, qu’on extirpe avec une spatule en bois accrochée au bout d’une branche écorcée.   Le sel ainsi amassé est accumulé en petits monticules enlignés en longues rangées parfaitement rectilignes.

Au bout des salines, nous arrivons à la plage puis au village des pêcheurs.   Sauf pour deux ou trois bateaux semblables et de taille comparable à ceux de la Gaspésie, la très grande majorité des embarcations de pêche sont de simples chaloupes d’une vingtaine de pieds.   On parle donc ici de récolte artisanale à l’aide de filets.   Les résultats sont là, puisque les restaurants de la région offrent du bon poisson et des fruits de mer frais sur leur menu.   Toutefois, l’allure "pauvrette" des maisons des pêcheurs en dit long sur leurs maigres revenus.

À Aguadulce, les gens nous reconnaissent bien comme étant la minorité visible.   En effet, nous sommes les seuls touristes dans cette ville non touristique.   Sauf exception, les gens nous saluent sans arrêt et nous font voir que nous sommes bienvenus.  

Au souper, nous garons la voiture face au restaurant  choisi, mais de l’autre côté de la rue, soit sur le stationnement du casino de l’endroit.   Thérèse s’écrie : "ne fais pas cela".   Luc réplique stoïquement : "il n’y a pas de gardien, pas de problème".   À la sortie de la salle à manger, deux gardes armés se tiennent debout à côté de notre automobile.   Ils sont équipés de vestes anti balles et de détecteurs de métal.   Imperturbable, Thérèse se dirige vers l’entrée de l’établissement.   Une vraie "Bond girl".   Au même moment,  Luc  s’approche  et débarre la porte de l’Elantra.   Il dépose à l’intérieur sa canette de ginger ale, son couteau et sa lampe de poche métallique.   Il se dirige ensuite le plus naturellement du monde vers sa compagne.   Tous deux font mine de vouloir entrer dans la maison de jeu.  On les fouille, les ausculte, puis on leur ouvre la porte.   

L’intérieur est bien sûr climatisé.   Des dizaines de machines à sous en ligne clignotent.   Beaucoup de joueurs.   Majoritairement des joueuses selon Luc.   Sans surprise, Thérèse opte plutôt pour une égalité des sexes.   Pas de tables pour les cartes.   Un bar sans buveurs.   Un comptoir vitré avec deux caissières.   Nous faisons nonchalamment  le tour.   Nous nous attardons derrière quelques joueuses.   Celles-ci agitent fébrilement leurs mains devant l’écran.   Comme si elles pouvaient ainsi influencer le mouvement vertical des colonnes d’images variées qui défilent.   Malheureusement, personne ne défonce la caisse pendant nos cinq minutes consacrées à jouer aux curieux.   Une fois  passé le temps nécessaire à justifier  notre stationnement "parasitaire", nous nous empressons de quitter ce lieu de perdition…

LAS LAJAS, CHIRIQUI, MERCREDI ET JEUDI, 20 ET 21 FÉVRIER 2013.



Nous voilà partis d’Isla Bastimentos où nous avons passé une semaine  reposante et confortable. En route pour Las Lajas, nous croisons le deuxième plus petit restaurant de hamburgers du Panama.  Le premier, on s’en souvient, étant  le minuscule Mac Do de Ciudad Panama. De la place pour six personnes tassées. À quatre, nous remplissons donc  le cubicule’’. Le couple hôte est cordial. En savourant leur spécialité, nous nous félicitons d’avoir écouté la recommandation de leur voisin.  En effet, c’est tout en haut de la côte à pic d’El Valle de la Mina que nous avons demandé à Raoul si son restaurant à lui était ouvert. Eh bien Raoul prend congé le mercredi, si bien qu’il nous a chaleureusement recommandé la petite boite à hamburgers, à droite, soixante  mètres plus loin. Nous y sommes donc  et heureux d’y être. Ne manquez pas d’y arrêter si vous passez par là.

Deux heures plus tard, nous arrivons au bord du Pacifique, à l’immense plage de Las Lajas. Le coin est tranquille, peu d’agitation. Nous louons deux cabanas rustiques à l’hôtel  Estrella del Pacifico. À notre grande surprise, nous sommes accueillis par une souriante québécoise de Saint- Sophie. Elle nous raconte qu’elle partage sa vie entre le Québec, le Costa Rica et le Panama. Ici elle loge chez  le propriétaire, un ami, à qui elle donne un coup de main en échange de son hospitalité. Sur plancher de ciment, notre cabane a trois murs en bois brut, avec deux grandes fenêtres à battants qui permettent une généreuse aération  et un coup d’œil sur la mer. Nous dormirons donc bercés par le bruit des vagues

Nous en sommes à notre deuxième journée à la plage. Tout ici invite au repos et à la "farniente".   Deux activités priment, soit la baignade dans le Pacifique et se prélasser à l’ombre, de préférence là où circule un courant d’air.

Côté sociologique, une tournée rapide du bourg nous apprend qu’avec San Félix tout près, Las Lajas totalise 5 000 habitants. La petite église moderne est particulièrement jolie et originale, avec ses vitraux qui prennent une grande place sur sa façade de même qu’avec les deux immenses jarres renversées qui décorent sa devanture.

À un kilomètre au sud est  de la communauté, un cimetière coloré et superbement bien entretenu.   Les tombes hors terre sont recouvertes de dalles en céramique ou simplement fraichement peintes de couleurs variées. Il y en a pour tous les portefeuilles, de la simple croix de bois jusqu’au mausolée familial. Celui de la famille La Roche en impose par son ampleur et par son faste. Isolé et loin du village, cet endroit de recueillement  est teinté par les centaines de pots de fleurs artificielles déposés par celles et ceux qui sont restés.

Les vagues sont fortes cet après midi. Elles feraient la joie de "surfers" s’il y en avait. Seulement quelques baigneurs occasionnels sur la vaste plage.

ISLA BASTIMENTOS ,BOCAS DEL TORO, 13 AU 20 FÉVRIER 2013.



À partir de Volcan, nous redescendons  les montagnes de la Cordillère vers le Pacifique. De là, nous traversons les villes de Conception, David et Chiriqui vers l’est. Puis nous voilà repartis en direction de la Cordillère de Talamanca, que nous franchissons  en entier jusqu’à la mer des Caraïbes.   Toujours les mêmes superbes montagnes nous offrant des points de vue magnifiques. En passant dans la Réserve Forestière de Fortuna, nous nous offrons un pique nique près du barrage hydro électrique éponyme. Imposant comme la plupart des ouvrages du même type, avec son réservoir d’eau calme en amont et son profond et imposant canyon en aval. Après cinq heures de route facile, nous entrons à Almirante, soit la ville portuaire de laquelle nous prenons un bateau taxi pour les îles de l’archipel de la province de Bocas Del Toro.

Dès notre arrivée à Almirante, nous sommes accostés par un cycliste qui veut nous parler. Jacques refuse d’arrêter la voiture, le contourne et pèse sur le ‘’champignon’’. Notre vélo interlocuteur ne s’en laisse pas imposer pour si peu. Dans le rétroviseur nous le voyons, tout petit, qui pédale à vive allure. Arrivés au port, il faut bien nous arrêter. Le temps de nous questionner sur la direction à prendre, voilà que le lascar à la bicyclette toque à notre fenêtre. En anglais, il nous offre de le suivre jusqu’au quai des bateaux taxis. Une fois rendus, lui et un collègue cycliste nous aident à charger notre bagage et ils indiquent en espagnol au capitaine monolingue notre destination. Service de courtage impeccable.  

Le pilote et son moussaillon lèvent les amarres. Nous voilà en mer. Un arrêt pour acheter deux bidons d’essence. Un signe de doigts qui se frottent et nous comprenons qu’il nous faut payer. Nous versons les 40$ de la traversée qui prendra trente cinq minutes.  

L’Isla Bastimentos ressemble au "Cay" où nous avions séjourné au Belize. À la différence qu’ici  les maisons en bois coloré du littoral sont érigées sur des pilotis, avec leur porte arrière attenante au rivage. Nous débarquons donc du bateau directement dans les marches de l’hôtel. Nous logerons au deuxième. Chaque chambre y a un balcon, suspendu au dessus de l’eau, d’où nous pouvons observer les va et viens du quartier maritime.

Sur l’île de Bastimentos, le village appelé aussi "Old Bank" compte probablement moins de cinq cents habitants. Les deux rues de la ville sont en fait des allées en ciment d’une largeur de cinq pieds environ. La première longe le littoral sur moins d’un kilomètre. La seconde, perpendiculaire, grimpe sur la colline. Pas de véhicules motorisés, que des bicyclettes et des sandales. Le transport interurbain ne se pratique que par chaloupe motorisée. La plupart de celles-ci sont en fibre de verre et totalisent une vingtaine de pieds de long. Toutes sont propulsées par des hors bord. Quelques unes ont une toiture légère pour protéger du soleil et de la pluie. À l’accostage, elles sont hissées sur des  passerelles en rondins écorcés érigés à quelques pouces au dessus de l’eau. Pour leur part, les touristes empruntent parfois un kayak d’océan pour faire une ballade en mer. L’eau est assez  claire pour y admirer les coraux sans avoir à plonger.

Quand on grimpe sur la colline, la végétation y est luxuriante. On y trouve  une boutique restaurant tenue par un jeune couple  à l’allure zen. Ils fabriquent et vendent des huiles pour le corps et des savons à base de cocos. Ils possèdent aussi quelques centaines de cacaotiers, des fruits desquels ils font fermenter en feuilles les graines, pour obtenir un excellent chocolat cent pour cent naturel. Pas étonnant qu’ils offrent des "brownies" et des "truffles" à leur menu. Des campeurs ont monté leur tente tout autour de leur maison. Les propriétaires  ont dénommé celle-ci "On The Top Of The Hill".   Ils sont fiers d’afficher qu’ils sont construits à 330 mètres d’altitude, soit au sommet de la montagne. De leur résidence, sur l’autre versant, on peut accéder à une plage en vingt cinq minutes.  Cependant, on nous met en garde d’y  aller sans portefeuille, ni papiers importants, ni objets de valeur, car on y soulage parfois les touristes de leur caméra, leurs jumelles et tout ce qui peut être revendu.Il faut donc s’y rendre avec seulement quelques dollars en poche.

Coutume inusitée : de notre balcon, nous venons de voir une main qui jette des déchets de table par la fenêtre. Le tout tombe dans les quatre pouces d’eau qui jouxtent la maison. Deux chiens en font leur délice de même que plus d’une quinzaine d’urubus qui affluent rapidement. Surprise, un pélican, des frégates et des sternes nous font la joie de virevolter au dessus de notre balcon. Eux aussi veulent leur part de la partie flottante du lunch offert.

Il fait très chaud à Old Bank. Les maisons  près du littoral sont tassées les unes sur les autres. Les gens ouvrent portes et fenêtres pour faire circuler l’air. L’école ne ré ouvrira ses portes qu’en mars prochain. La rue est pleine d’enfants et de flâneurs. Les gens vivent autant dehors qu’à l’intérieur.   Ils sont souvent joviaux et  parfois de sympathiques bavards. Tout cela pour illustrer combien peut être bruyante et animée un si petit bourgade. Tout le contraire du quartier de la colline derrière, qui lui est tranquille et silencieux. Cette "haute ville"d’ailleurs est aussi beaucoup moins densément peuplée, et les habitations y sont en général  plus soignées. C’est le coin où il reste des terrains à vendre et à lotir. Deux prix, dépendant de l’emplacement, pour des parcelles de grandeurs variables, mais dont la superficie médiane gravite autour de 6500 pieds carrés : 38,000$ et 49,000$.

Tout cela pour dire que Bastimentos est un autre monde par rapport au reste du Panama. Les gens y ont majoritairement le type jamaïcain. De loin par rapport au reste du pays, même incluant la capitale, il est plus fréquent qu’on s’adresse à nous en anglais. La très grande majorité des gens est bilingue (espagnol/anglais). Depuis notre arrivée sur l’isthme, tous les commerces affichent en évidence au mur qu’une amende sera imposée à tout client qui ne réclamera pas sa facture. Ici, rien de tout  cela.   Aucune affiche et aucune facture. Pour une raison inconnue, Revenu Panama ferme les yeux.

En ce vendredi 15, Suzanne et Jacques partent en bateau taxi pour l’Isla Colon, plus précisément dans la petite ville de Bocas Del Toro. Six kilomètres entre les deux quais, à trois dollars par passager.

Pour sa part, Thérèse opte pour la ‘’farniente’’ à l’hôtel, alors que Luc part seul pour une randonnée en kayak. Rapidement le rivage est composé de mangroves tissées serrées. Tout accostage serait difficile, sauf dans de rares trouées aménagées de main d’homme. De toute façon, pas besoin d’aller à terre et pas envie de se baigner. Seulement glisser sur l’eau turquoise mais translucide, contourner les îles qui se profilent au fond de l’entonnoir, suivre des yeux un héron bleu et le regarder se poser sur une branche vacillante, admirer les coraux des hauts fonds.   La vraie vie quoi. 

Un canot devant soi  qui soudain oblique vers le bord et disparaît dans les taillis. En surplomb dans la montagne, une maisonnette isolée. Il rentrait chez lui. Puis, sur la gauche, un petit village de cinq maisons construites côte à côte au dessus de l’eau. Bâtiments et trottoirs sur pilotis. Approchent une île, trois îles, une marina au fond de l’anse. S’y profilent une vingtaine de voiliers, de catamarans et de yachts de millionnaires. Le plus gros est bleu, en acier, et il doit avoir une centaine de pieds de long. Deux grosses chaloupes de sauvetage et un yacht rapide sont arrimés sur le deuxième des trois ponts. Le dit yacht rapide est affublé de deux moteurs Mercurey de 300 forces chacun. Je ne croyais pas qu’un hors bord puisse avoir autant de chevaux vapeur. Peut-on croire que nous soyons en présence d’un hypothétique quelconque contracteur canadien;  ou d’un financier étatsunien retraité depuis 2008 aux Îles Caïmans?   En tout cas, le nom du bateau est la "Compass Rose".

Cet abri pour bateaux de luxe est à l’entrée sud de la Red Frog Beach. Sans arrêt, y affluent des bateaux taxis en provenance de Bocas Del Toro. Ils y amènent de jolies femmes, d’autres moins, avec des messieurs en bermudas et en sandales. Tous et toutes ont le type nord américain ou européen. Un trottoir de bois traverse un tunnel de mangroves jusqu’à l’entrée gardée du "Resort". À la porte, des voitures électriques. Au mur, une carte illustrant toutes les routes du complexe et les services offerts : équitation, "snorkeling, kayaking. Trekking, tours", hôtellerie, restauration, etc. Sur le littoral nord de Bastimentos, la belle "Red Frog Beach". Un autre monde, totalement différent et séparé de "Old Bank" où vivent les panaméens de l’Isla et où nous logeons. Quarante cinq minutes de pagaie, le vent dans le dos, et me revoici à nouveau à l’humble mais confortable Hostel Caribbean View. Thérèse me salue du balcon au deuxième étage. Suzanne et Jacques nous rejoignent plus tard à la sortie du restaurant, contents de leur journée à Bocas.

Aujourd`hui samedi nous inversons les rôles. Suzanne et Jacques vont à "Red Frog Beach", Thérèse et Luc à Bocas Del Toro. Lors de leur randonnée, nos deux amis  réalisent qu’il pourrait être  difficile d’accéder aux sentiers de la forêt  des environs du Parc National Marin d’Isla Bastimentos  par la plage nord  du "Resort" de Red Frog Bay.   Mieux vaut y accéder via l’entrée sud du "Resort". Nous irons donc demain regarder cela de plus près et par la bonne porte.

Dotée d’un aéroport, Bocas est une petite ville moderne de dix rues par dix avenues. Méritent une visite ses trois artères commerciales, dont les restaurants, hôtels et boutiques vivent essentiellement grâce aux "surfers", aux "beachers" et aux "snorkelers". S’ajoutent parfois quelques curieux comme nous qui viennent simplement pour voir. Nous passons donc un avant midi agréable à y déjeuner et à y flâner, en nous imprégnant la mémoire du cachet de village de vacanciers de cette seule zone urbaine de l’Isla Colon.

Comme le tour de Bocas  est assez vite fait, nous prenons un bateau taxi pour aller dîner sur l’Isla Carenero, au Bibi’s on the Beach Restaurant. On y constate combien est particulièrement frappant  le contraste entre, d’une part, l’agitation et l’opulence et, d’autre part, le désoeuvrement et le manque de ressources. Deux mondes aux antipodes se côtoient et ne se parlent pas. 
    
 Dans le premier cas, on parle de "beachers" bronzés qui louent des "cabanas" luxueuses sur la plage et qui mangent des langoustes arrosées de bière, dans une "palapa" suspendue au dessus  de la mer des Caraïbes. Entre deux repas, ils se baignent dans les vagues, y "surfent", font du kayac, de la plongée, se font griller et jouent au ballon de plage.   Dans le second cas, on fait allusion à des panaméens qui vivent dans des maisonnettes rudimentaires de planches usagées et de tôles rouillées, attendant inactifs que la journée passe. Sous et autour de leurs abris suspendus, de l’eau stagnante, des  détritus, des déchets de matériaux et de végétaux, des chaloupes éventrées, de l’herbe haute, des tas de terre de remplissage. Tout le contraire du confort, des conditions d’hygiène minimale.

Qu’y faire?  À défaut de répondre à  cette question qui ne trouve pas de solution depuis que le monde est monde, on peut en tout cas affirmer que nous avons vu aujourd’hui un tableau éloquent de la problématique nord/sud.

En ce beau dimanche, nous avons rencontré notre première grenouille rouge. Devinez où. À Red Frog Beach bien sûr. Il fallait s’y attendre. Elle est minuscule. De la grosseur d’une abeille.  

Notre longue marche dans un sentier bordant la plage nous a aussi réservé une belle surprise. À plusieurs reprises, nous avons pu suivre les ébats de singes capucins à tête blanche. Tout petits eux aussi. De la grosseur d’un chat, mais avec de longues pattes.

Dans le  "resort" de Red Frog  Beach, on peut circuler sur des routes en gravier. Notre ballade nous  mène sur une de celles-ci, en flanc de montagne, soit à cinq minutes à pied du bord de mer. Notre surprise est  grande d’y compter une quinzaine de maisons luxueuses, avec piscine, de construction récente et selon des normes nord américaines. Nous aurions pu nous croire à Sillery ou à Outremont.   Des rideaux aux fenêtres, mais pas âme qui vive. Aucune pancarte indiquant "à vendre" ou "à louer". Sans doute appartiennent-elles à des étrangers ou à des panaméens riches qui s’en sont fait une résidence secondaire au soleil.

Nous voici déjà à la veille de notre départ d’Old Bank. Ce matin, Nous optons pour un cours de "surf" 101. Dès 8h30, Luc est  de l’autre côté de la montagne, les deux pieds dans le sable de la Wizard Beach, renommée pour la hauteur de ses vagues. Ces dernières sont au rendez vous. Elles impressionnent par leur gabarit et par leur vrombissement. La plage est plutôt petite, soit d’environ trois quarts de kilomètres de long. Elle est totalement déserte et non aménagée. Encore à l’état sauvage et disponible à tous. Quelques panneaux affichés aux arbres : "private property, real  estate," et un numéro de téléphone.   Tout cela laisse croire que dans quelques temps des promoteurs pourraient en faire un second  Red Frog Beach.  

Les "surfers" se pointent vers dix heures. Trois d’entre eux enterrent dans le sable leurs effets personnels et les voilà à plat ventre sur leur planche en train de ramer vers le large avec leurs mains.   Ils se laissent avaler par les monstres marins, ou, tout simplement, ils leur montent dessus comme des bouchons de liège. Les battements de mains ne cessent pas et nos trois lurons avancent toujours, malgré l’acharnement des éléments à vouloir les retourner au bord. Les voilà rendus à plus de mille pieds au large, là où la houle ondule plutôt que d’exploser.

Assis ou étendus sur leur planche, le dos tourné au littoral, le tronc hors de l’eau, ils attendent le moment propice. Il arrive parfois qu’une tonne d’écume leur tombe dessus, mais ils réapparaissent à chaque fois, la tête tendue hors de l’onde, prêts à bondir au moment opportun. Lorsqu’ils estiment qu’une des vagues qui les soulève est sur le point de se transformer en rouleau porteur, Ils se hissent sur leur engin et dévalent obliquement la déferlante, en tentant d’éviter  qu’elle ne leur tombe dessus. Pour ce faire, le truc semble être  éventuellement de remonter  juste à temps sur le sommet  et de revenir ainsi sur la face en amont  de la "bête". De la sorte, pas de fracas avec les quatre fers en l’air.   Ils obtiennent plutôt ainsi un arrêt en douce, tournés vers le large, toujours entre deux "ondulantes".   

Après  une heure de ce manège épuisant, nos lascars se laissent rouler jusqu’au rivage, et ils partent pieds nus avec leur planche sous le bras.Ils auront à franchir la montagne dans un sentier boueux et accidenté, mais leur sourire en dit long. Cela en valait la peine.