mardi 2 avril 2013

NEW ORLEANS, LOUISIANA, JEUDI 21 AU JEUDI 28 MARS 2013. (BLOGUE DE LUC ET THÉRÈSE)



 De l’Atlantique au Pacifique,  l’ "interstate" numéro 10 traverse les États-Unis  entre Jacksonville en Floride et Los Angeles en Californie. Quant à nous, nous  décidons de ne pas aller au delà  de New Orleans en Louisiane. Pour ce faire, nous sortons de la Floride, traversons les villes de Mobile en Alabama de même que de Pascagoula, Biloxi et Gulf Port au Mississippi, pour enfin aboutir sur le pont de plusieurs kilomètres qui traverse la partie congrue de l’immense lac Pontchartrain, à l’entrée sud est du pays des cajuns. Trajet impressionnant à prime abord, mais qui pourtant ne représente que  330 kilomètres de chaussées impeccables. Les étatsuniens ont bien des défauts, mais pour la construction de routes efficaces, avec une signalisation parfaite, ce sont des as. 

Tout cela pour dire que nous jugeons avoir le temps de prendre notre temps. Nous quittons donc l’autoroute et franchissons  toute la largeur de l’état du Mississippi le long de son littoral. Quelle bonne idée! Entre les casinos de Biloxi et la petite municipalité de Bay Saint Louis, la route numéro 90 est une merveille. Sans discontinuer, vous avez la mer et des kilomètres de plage blanche et accessible à votre gauche. Si vous tournez la tête à droite, de superbes propriétés d’époque vous donnent le goût d’arrêter pour prendre une photo. C’est le cas de le dire, vous ne savez plus où donner de la tête… et des yeux. Étrangement, plusieurs de ces grands domaines n’ont plus que leurs majestueux chênes bicentenaires. De la résidence, il ne reste rien, sinon des vestiges à peine visibles au sol. On a démoli et substitué chaque bâtiment par une pancarte indiquant que le terrain est à vendre. Voilà qui explique qu’on remarque à tout moment d’immenses constructions récentes et luxueuses, entourées de vieux arbres bien établis. Dans ces cas là, les maisons détruites ont été remplacées. Autre constat inusité, toutes ces résidences neuves sont hissées sur des colonnes d’une dizaine de pieds de haut, comme si elles étaient en zone inondable. Peut être est ce là l’explication que nous cherchons. Katrina serait elle passé par là après avoir détruit New Orleans?

Une fois installés en Louisiane, au Bayou Segnette State Park Campground de Westwego,  au sud du fleuve Mississippi, nous optons pour la formule "traversier". C’est-à-dire, que nous laissons notre voiture sur le stationnement de l’embarcadère d’Algiers et de là nous n’avons qu’à franchir le fleuve  jusqu’au quai du French Quarter, en plein centre ville de New Orleans. Malheur sur nous, la brume est à couper au couteau. Le bateau passeur refuse de décoller. "Tant que la visibilité restera mauvaise" nous affirme-t-on. À tout malheur une chose est bonne. Puisque nous sommes dans l’Old Algier, voyons voir si elle mérite son surnom de "New Orleans best secret". Nous voilà donc en train d’arpenter les rues. Les maisons tout en bois de la fin du dix neuvième siècle sont plutôt modestes, mais leur architecture et les enjolivures de leurs  généreuses galeries nous laissent ébahis. Notre ami Jean, l’as des moulures, aurait là de quoi remplir pour vingt ans son panier d’idées de dessins de toutes sortes. Quant à elle, la Société d’art et d’histoire de Beauport aurait des dizaines d’exemples du bien fondé de conserver authentiques les maisons et quartiers qui avaient été bâtis avec goût et panache. Quelques unes ont appartenu ou logé des musiciens de jazz ayant fait leur marque à New Orleans et ailleurs.  

Malheureusement, la plupart de ces jolies façades  se sont vues affubler une rallonge par l’arrière, ce qui les rend  démesurément longues par rapport à leur largeur. Elles sont en conséquence aussi "infirmes" que les résidences qualifiées d’historiques dans le vieux Pensacola. Le phénomène est généralisé. Il ne s’agit donc pas d’agrandissements par l’arrière, ajoutés a posteriori de la construction originale, ainsi que nous l’avions d’abord cru à Pensacola. L’hypothèse la plus plausible pour expliquer cette caractéristique architecturale serait plutôt la réglementation municipale. En effet, il arrive que les impôts fonciers soient calculés aux pieds linéaires de façade plutôt qu’aux pieds carrés de la propriété. Cette façon de faire incite les gens à acheter des terrains étroits et profonds. Tout le monde y gagne économiquement, puisque les municipalités ont moins long de routes à construire et à entretenir et les contribuables paient moins de taxes. Esthétiquement, c’est une toute autre chose.  

Fait à noter, les quelques personnes de race noire à qui nous parlons à Algier nous répondent en français, spontanément, après sans doute avoir reconnu notre accent. Les rues du quartier historique ont pour nom : "Delaronde, Lavergne, Verret, Seguin". Sur les pierres du cimetière, aux tombes hors terre du fait du niveau élevé de la nappe phréatique, on lit des patronymes tel Martin, Blanchard, Daigle, Beauregard, Robichaux, Lamothe, Roussel, etc.

Aujourd’hui dimanche il fait beau. Nous traversons donc le Mississipi. La randonnée gratuite sur l’eau est courte, puisque le grand fleuve est plus étroit  que le Saint- Laurent entre Québec et Lévis.  La vue sur  New Orleans et son French Quarter est magnifique. Aussitôt au sol, nous nous dirigeons vers le "street car" (tramway) le plus proche et achetons deux billets quotidiens. Ainsi, pour trois dollars chacun, nous pourrons voyager toute la journée sur le réseau de tramways et d’autobus de la Regional Transit Authority (RTA).  

Les cinq  lignes de tramway permettent de visiter le nord et l’ouest de la ville, de même que la promenade qui longe le littoral, devant le French Quarter. Qu’à cela ne tienne, nous entreprenons de faire le tour de la plupart des quatre circuits principaux. Que voilà  un mini tour de ville à peu de frais. En fait, nous y  passons  plus de trois heures, le cou étiré, à regarder par la fenêtre, des deux côtés du véhicule. Avec la carte de la ville et des trajets des "street cars" que nous a remis un des chauffeurs, nous pouvons suivre en les identifiant les itinéraires parcourus et nous familiariser avec les grands axes  du cœur de la cité. New Orleans est belle et pittoresque. Au point où nous l’avons mise au premier rang de nos coups de cœur, avant Saint Petersburg que nous avions tant aimée.     Pour nous dégourdir les jambes, nous  descendons une heure dans le Garden Quarter. Il s’agit d’un arrondissement huppé, où ont été conservées et entretenues de splendides habitations construites au dix neuvième siècle. De toute beauté, comme dirait madame chose. Notre passion des  résidences coloniales en bois en a pris plein son saoul. Encore une fois, le partage des photos à conserver ou à éliminer sera un exercice cruel.

Lors de notre retour de New Orleans, ce lundi, même pénible dilemme. Comment faire pour départager celles des superbes photographies, du French Quarter cette fois, que nous devons éliminer de notre cueillette d’images. En effet, cette journée s’est résumée en une longue marche le long de multiples avenues, demeurées le reflet préservé d’une époque antérieure.

Lorsque la Louisiane était une colonie française, sa capitale Nouvelle Orléans était établie exactement  là où se retrouvent aujourd’hui  les rues Royal Street, Bourbon Street, Dauphine Street, Chartres Street et bien d’autres qui ont gardé leur consonance française. On ne se lasse pas de flâner dans ces avenues qui ont conservé le cachet des trois cultures espagnole, française et étatsunienne qui les ont façonnées depuis trois cents ans. On se laisse agréablement impressionner par ces balcons étagés en fer forgé, par l’éclatante cathédrale Saint Louis qui dit-on est l’église la plus photographiée aux États-Unis, par le Jackson Square entouré d’édifices prestigieux, par la résidence  des Ursulines  qui fut le premier couvent de la Louisiane et qui demeure un des plus vieux bâtiments de la vallée du Mississippi.  

Aussi bien conservé puisse-t-il être et  malgré son passé très riche en histoire, le French Quarter demeure on ne peut plus vivant. La Royal Street est devenue celle notamment des antiquaires, des peintres  et des galeries de peintures. Chartres Street est l’avenue des musées, des bâtiments historiques prestigieux et de l’animé Jackson Square. Quant à la Bourbon Street, où pullulent les restaurants, elle abrite aussi les lupanars et les boutiques de sexe qui tous deux  s’affichent sans retenue. Toutes ces rues ont en commun d’être animées, sur le trottoir, sur le pavé ou dans les nombreux bistros, par des orchestres, des musiciens et des danseurs. On y entend des musiques variées, mais bien sûr le jazz occupe une place de choix. Ne dit on pas de New Orleans qu’elle est la cité où naquit le jazz. Pour nous, elle fut aussi celle où nous avons découvert la soupe de gombo aux fruits de mer de même que les "po boys".

Brrr !   Il fait froid en ce mardi  pourtant ensoleillé. Au lever, le thermomètre marque trois degrés centigrades. Nous nous habillons chaudement et repartons dans le French Quarter. Nous retournons au Jackson Square, dans un des deux superbes immenses complexes immobiliers Pontalba, construits entre 1849 et 1851, par la riche veuve et baronne de Pontalba.  En effet, on peut y visiter un logement type, meublé et décoré comme au dix neuvième siècle. Dans les pièces à l’arrière du bâtiment, ce sont les appartements des serviteurs et des esclaves qu’on nous présente. Dans la salle à dîner des maîtres, nous avons la surprise de voir la réplique exacte d’une vieille chaise d’enfant que nous possédons à la maison chez nous.

Une fois retournés à l’extérieur glacé, de l’autre côté de la rue Decatur se profile le French Market. Nous y passons une bonne heure à fureter dans les multiples boutiques. Rien de particulier nous y retient, sinon Le Café du Port (en français). Il s’agit d’un immense restaurant, tout ce qu’il y a d’ordinaire, avec des dizaines de tables collées les unes aux autres d’une façon anarchique. Il est toujours plein et les gens doivent le plus souvent faire la queue avant d’obtenir une place. À l’intérieur, c’est un vrai feu roulant. On n’y sert que deux choses : des beignets sans trou dans une montagne de sucre en poudre et du café, au lait de préférence. Par la fenêtre, nous avions vu la cadence effrénée avec laquelle le cuisinier fabrique sa pâte, avant de lancer littéralement dans la graisse bouillante les carrés de beignets non cuits, taillés à la hâte. Maintenant, c’est  en  faisant la file pour aller aux toilettes, qui sont dans la cuisine attenante au restaurant, que nous pouvons apprécier la discipline démontrée par les serveurs, dans la chaîne de montage à l’intérieur de laquelle ils exécutent leurs tâches répétitives, sans avoir besoin de l’aide d’un chef d’orchestre. Chacun sait ce qu’il doit faire. Il le fait bien. Et les beignets sont excellents, en plus de représenter un dessert apprécié, après avoir dîné au River’s Edge d’une "jambalaya" épicée de même que d’un "crawfish étouffée".

Puis nous traversons le French Quarter en zigzaguant, du sud au nord cette fois. Nous nous arrêtons à tout moment pour écouter les musiciens de la rue qui jouent ici et là des pièces pour tous les goûts. De l’autre côté de la North Rampart Street, nous quittons le French Quarter pour entrer dans le Louis Armstong Park. Nous flânons un bon moment au milieu des canards et des monuments nombreux à l’intention de têtes d’affiche de l’histoire du Jazz, du blues et du gospel. Nous nous recueillons devant les statues de Dave Brubeck, de Mahalia Jackson et bien sûr, du grand Sachmo, représenté avec sa trompette dans une main et son éternel mouchoir dans l’autre.  

Toute bonne chose doit avoir une fin. Il nous faut revenir  au campement, tout comme il nous faudra retourner au Québec dans deux jours. Adieu New Orleans. Nous ne t’oublierons pas.

En ce  mercredi  de préparatifs avant de quitter New Orleans, il fait un degré centigrade au lever. Le temps continue de se refroidir. Hier c’était la pleine lune. 


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Maison sur pilotis de Biloxi après Katrina

 Résidence Hardy (Algier)

 Maison à dentelles, l'Algier historique

 Relents de la fête du Mardi Gras

Noms des rues écrites sur les trottoirs

 Les racines des arbres poussent en surface

 Du temps des Français

Beignets poudrés et café au lait

 Sachmo, le grand Louis Armstrong

 Luc et Thérèse. Le French Quarter  en arrière scène